Au fil de mes pérégrinations, toujours à la recherche de nouveauté pour écrire cette chronique, mon regard fut attiré par la pochette de cet album où l’on voit la légende burlesque du label Stax vêtu d’un costume bariolé nous exécuter l’un de ses fameux pas de danse dont il est le seul à détenir le secret.

Ainsi, je décide de me pencher sur le cas de cet album méconnu de Rufus Thomas. Étant un grand amateur de vinyles, j’eusse eu peur d’insérer cette galette dans le lecteur CD. Néanmoins, à la première écoute, je fus étonnamment surpris de la qualité sonore. Je découvris plus tard que cette réédition de 2002 de l’album Crown Prince of Dance originellement paru en 1973 a fait l’objet d’un lifting pour cette sortie sur disque optique. Les bandes originales analogiques de l’album ont bénéficié de la technologie d’encodage 24 bits remastered qui ont permis de retranscrire le plus fidèlement possible le son analogique de ces 10 morceaux funky à souhait.

Ainsi nous retrouvons tout au long de l’album ce savant mélange de funk et de soul saupoudré de la touche d’humour habituel de l’artiste emblématique de la scène de Memphis. Tout commence par l’efficace Git Up and Do It , un prélude qui nous annonce la couleur de l’album.

Viens ensuite l’une des reprises présentes sur l’album, I Know You Don’t Want Me No More une sublime reprise du classique de R&B de Barbara George originellement paru en 1961. La cadence augmente d’un cran avec le 3e titre, la madeleine de Proust de votre serviteur, Funkiest Man Alive , ce morceau de quasi 8 minutes de pur groove est solidement soutenu par la rythmique de William Murphy à la basse et Willie Hall à la batterie (Booker T. & the MGs, Albert King, Al Green…).

Sur la 4e chanson, Rufus vient magnifiquement funkiser la pierre angulaire du rock qu’est Tutti Frutti du feu père fondateur du rock and roll ; Little Richard. S’enchaine ensuite Funky Robot qui vient mettre un point final à plus de 15 minutes de groove et de funk endiablé, et c’est dans cette optique que I Wanna Sang vient également réduire la vapeur en nous proposant un morceau plus soul tout en restant punchy.

Pour faire suite à cette baisse de régime, Rufus nous propose 2 sublimes morceaux en duo avec sa fille, la reine de la Soul de Memphis, Carla Thomas. Ils vont dans un premier temps reprendre le morceau du chanteur de Gospel, J.W Alexander, Baby It’s Real et ensuite nous proposer, dans une ambiance intimiste, le deuxième coup de cœur de votre narrateur, Steal a Little .

Le 9e titre, I’m Still In Love With You réaccélère le tempo et nous retrouvons un Rufus Thomas pardonnant à son amante de l’avoir trompé avec son meilleur ami. Pour conclure son 8e album, le fondateur du rhythm’n’blues moderne nous gratifie d’un titre humoristique The Funky Bird, un morceau entrainant entrecoupé d’imitations de cris de poulets, rien d’étonnant venant d’un artiste qui se considère comme « l’adolescent le plus âgé du monde ».

Durant plus de 41 minutes, Rufus Thomas a su nous montrer l’étendue de son talent et a permis de donner naissance à un album à la fois dansant, joyeux, profond et intimiste.