Et vous, vous voyez quoi de vos fenêtres ? C’est en substance ce que le dernier clip du groupe de rap alternatif Odezenne nous demande. S’y succède une myriade de fenêtres, toutes différentes qui exposent deux mondes, si proches et tellement lointains, justes séparés par une cloison de verre, l’extérieur et l’intérieur.

Des images qui se superposent comme autant de confinements, entre cigarette solitaire au balcon, enfants qui jouent dans la cour, une poule sur une table. C’est banal, comme autant de tranches de vie répétitives qui se télescopent dans un kaléidoscope infini, c’est beau aussi parce que c’est simple.

 

J’ai découvert Odezenne à leurs débuts, je me souviens avoir été intriguée par leur nom de scène, réminiscence de mes années de chimie et du tableau des éléments de Mendeleïev, j’entendais O2N, dioxyde d’azote à l’envers…

Oui bon chacun ses références… Il n’empêche que je me suis plongée avec bonheur dans leurs albums, « Sans chantilly », jeune et un peu barré, puis « OVNI » (Orchestre National Virtuose Incompétent) qui mettait le doigt là où ça fait mal, société de consommation en tête. Jusqu’à« Dolziger St. 2 », qui marque le pas sur leur rap du début pour commencer à couler un peu sur des sons plus électroniques, un débit plus doux et des textes encore plus assurés.

Rap underground, alternant entre punchlines et balades oniriques, le groupe bordelais m’avait fait de l’effet et je l’ai suivi jusqu’à leur dernier album « Au Baccara » en 2018, porté par le très beau « Nucléaire ».

 

 

Et puis il y a quelques jours, ils nous ont sorti du chapeau un nouveau titre, gardé bien au chaud depuis l’été dernier, un nouveau né au nom de rigueur en ce moment « Hardcore ». Le texte compile le manque, l’opposition des êtres, les décalages, décalés incompris, les ruptures en suspens… hardcore.

C’est scandé avec aplomb et une mélancolie retenue, en se demandant un peu quand tout ça prendra fin. Tout ça quoi au juste ? A chacun de voir.

“Bon dieu ça fait du bruit le silence, mon dieu ça prend de la place l’absence.”

 

Le tour de force à mon sens vient du concept choisi pour accompagner ce morceau , le groupe a fait appel à la participation de leurs fans à qui ils ont demandé de partager ce qu’ils voyaient depuis leurs fenêtres. Des bouts de passé et présent qui ont été montés avec habileté par Romain Winkler.

Ce sont ces images qui donnent une toute autre dimension au morceau, il devient une métaphore de la temporalité, le souvenir du passé, l’illusion du futur, où se situe le présent. Car depuis nos fenêtres , bien que nous en ayons chacun une, nous voyons des choses différentes, ou nous les voyons différemment. Pour certains « Hardcore » aura la saveur d’un temps révolu, pour d’autres il sera un immense cri de liberté adressé au futur.

 

 

Odezenne est un groupe de rap à part et majeur. Leurs textes donnent à celui qui prend les temps de les écouter la liberté suffisante pour en faire une interprétation personnelle qui pourra tout aussi bien changer entre aujourd’hui et demain. Pour tout un chacun « Hardcore » peut être la bande son de cet étrange printemps 2020, de son propre printemps…

 

« On était forts j’avais tord, on était barrés… hardcore »