Musique et littérature peuvent faire très bon ménage à condition que l’un et l’autre ne se prennent pas trop au sérieux. Et c’est par hasard que je suis tombée sur ce morceau d’anthologie, que je devais bien être la seule à ne pas connaître, mais mieux vaut tard que jamais non ?!

Le Temps du Twist de Joël Houssin est un bouquin que l’on pourrait classer dans le genre cyperpunk, terme fourre tout qui ne veut pas dire grand-chose, en gros c’est un mix entre dystopie, SF avec une grosse dose de foutraque pour assaisonner le tout. Et généralement, il y a toujours un zombi ou un vampire en perdition qui traine dans le coin. Le must du genre reste toute la série du Bourbon Kid, écrit par un auteur anonyme que l’on soupçonne fortement être le copain Tarantino. C’est purement jouissif, grossier, ça dégomme à tout va et c’est d’une insolence et d’une immoralité géniale.

Donc pour en revenir à nos moutons, qui vont s’endormir à force de se compter, Le Temps du twist c’est tout ça avec un trait d’union qui fait bien nos affaires, la… musique !!!!

Le pitch est très… actuel. Je m’explique.

Dans un avenir pas lointain du tout, genre de plus en plus proche même, Antonin Hofa vient de fêter ses 16 ans, sauf que l’humanité est aux prises avec le virus Zapf qui transforme les gens en zombis. C’est un rétro virus d’ailleurs, pour ceux qui souhaitent y voir un parallèle avec je ne sais quoi, hum, hum… Donc le virus Zapf transforme toute personne en amas de chair décérébré qui ne pense qu’à bouffer son prochain sauf, parce que oui il y a un antidote, sauf donc si on est bourré en permanence. Cirrhose du foie, ivresse permanente, no future, voilà l’avenir radieux qui s’offre à Antonin qui décide donc de se suicider après une dernière fêtes avec ses potes du Club des taudis humains.

Si déjà vous ne mourrez pas d’envie de courir dans votre bibliothèque préférée pour emprunter cette merveille, vous êtes perdus pour la cause mais soit, je continue à vous allécher un peu plus. Donc, le Club des taudis humains est la bande de potes rêvée, et Houssin, virtuose, leur a donné à tous une personnalité et un patronyme délicieux. Nous avons donc 42-Crew, petit génie du hacking, One Four Four dit OFF, l’androïde de la Nouvelle Eglise, infiltré pour les espionner mais dont la programmation a été pervertie par 42, Trafic, Mirabelle, Something More, j’adore ce nom !!!, et un inconnu, Orlando, un loup garou né des œuvres d’un humain et d’un zombi.

Et c’est là que fait son apparition la fameuse Buick rouge qu’Orlando va offrir à Antonin pour son anniversaire, mais pas n’importe quelle Buick. Une Electra dont l’autoradio est bourré de titres de Led Zeppelin. Choisissez une chanson et wooooofffffffffff, vous avez effectué un road trip dans le temps qui vous a emmené à la date du concert correspondant. C’est génial !!!

Et voilà comment notre bande se retrouve dans le Londres de la fin des sixties pour se rendre compte avec horreur que… Led Zeppelin n’existe pas ! Dans cet univers parallèle Jimmy Page fait de la peinture et les hippies sont des fous sanguinaires adeptes d’une secte dangereuse et toute puissante. Désormais notre bande de tristes sires va tout faire pour permettre à Led Zeppelin d’exister, et restaurer le passé avant qu’il ne soit écrasé par celui qui s’est substitué à lui. De la nostalgie, le récit glisse rapidement vers une frénésie survoltée équivalente à celle dégagée par les concerts de Led Zep’, pour s’achever dans un dantesque combat cyberpunk.

Lauréat du Grand Prix de l’Imaginaire en 1992 et chef-d’œuvre de l’auteur, Le Temps du Twist ne désigne pas les années soixante naissantes mais parc d’attraction virtuel, point de départ de l’équipée d’une poignée d’adolescents nostalgiques du passé et effrayés par un futur bien sombre.

Plus qu’une allégorie au « no future » des années punk, le roman illustre s’attache avec une certaine mélancolie à faire l’allégorie de passé plus insouciant et plus libre qu’il convient de se remémorer afin de le faire perdurer le plus longtemps possible. Le passé agit ici comme une catharsis libératrice, un moyen de retrouver ses passions adolescentes vectrices de pulsion de vie. Il ne s’agit pas là de réécrire le passé dans une version améliorée, mais tout du moins de le maintenir à l’identique en tentant de préserver l’essentiel, l’insouciance et la fougue de la jeunesse, représenté ici par la musique de Led Zep.

L’écriture de Joël Houssin est sans concession, tirant plutôt volontiers sur un parler cru qui donne au récit une énergie folle, soutenue à la fois par les tribulations de notre joyeuse bande et par l’omniprésence du rock. Le final, joyeux foutoir de termes geek incompréhensibles, ponctue ce pamphlet anticonformiste contre la société qui zombifie l’être humain dans la routine tout en prenant garde de bien l’abrutir pour qu’il n’y pense plus et tire un trait définitif sur ses idéaux.

Il se révèle également un hommage rageur et assumé au Led Zeppelin, parsemé de références à l’emblématique groupe de rock anglais, le roman se lit autant qu’il s’écoute avec en fond sonore plutôt Immigrant song, Kashmir ou Whole lotta love, que Stairway to heaven qui ne collera pas tout à fait…

Et si cette petite aparté littérature et musique vous a plu, il se peut que j’ai encore quelques trouvailles sous le coude, je dis ça je dis rien. Dis moi ce que tu écoutes, et je te dirais quoi lire !