Révélation de l’année 2023, la jeune Zaho de Sagazan nous éblouit avec son premier album « La symphonie des éclairs » qui est d’une maturité étonnante.

Avant tout poète, Zaho est une artiste à texte dans le bon sens du terme, loin des mièvreries qui sont parfois monnaie courante dans la chanson française, elle propose tour à tour des pamphlets écologistes ou féministes empreint d’une dérision rare. Rien ici n’est abordé de façon frontale mais par des paraboles détournées qui frappent au cœur.

« La fontaine de sang », premier morceau de l’album, est une critique acerbe de l’ultra consommation et de notre mode de vie capitaliste qui épuise la planète. Elle pointe du doigt les travers de l’humanité qui absorbent la force vitale de la planète, comme autant de bouches vampiriques avides de sang, qui peu à peu ne manquera pas de se tarir. C’est puissant et dérangeant à la fois.

La diction de Zaho est un vrai point fort, les « r » sont gutturaux et roulés, les syllabes sont étirées à l’infini et reprises dans les boucles electro ou au contraire hachées en menus morceaux. Si Zaho s’accompagne d’instruments électroniques, sa première boite à rythme reste sa voix et l’usage qu’elle fait de la langue française.

 

Révélée lors des premières parties de Juliette Armanet, Zaho maîtrise aussi bien les compositions simples piano/voix que les morceaux plus travaillés sur son Korg MS-20. Les sons de synthèses donnent une ambiance particulière à cet opus, ils sont choisis pour plonger celui qui écoute dans un environnement quelque peu sombre, à la limite du cryptique sur certains morceaux.

Zaho parle d’elle oui mais pas de façon égocentrée, elle affirme plutôt ses choix et ses désirs. Vue fantasmée ou désirs réels le doute plane, et c’est ça aussi qui fait l’intelligence de ce projet. Elle raconte des histoires qui peuvent être les nôtres, sans fard, factuellement, avec aplomb à la façon dont elle scinde les syllabes dans « je t’-ai-me »pour donner à cette simple phrase un écho vibratoire qui persiste même sans réciprocité.

Avec sa voix particulière et son physique intriguant, Zaho se fait porte parole universel. Elle saupoudre son album de valeurs universelles, axe son propos sur la fragilité de l’environnement au sens propre mais aussi au sens figuré : environnement relationnel, émotionnel. Et de façon mi tragique mi désabusée, nous intime d’en prendre soin et de nous laisser nous imprégner par la symphonie des éclairs, celle de l’Univers.