Dans l’espace public du quotidien, la pratique musicale était jusque là limitée à deux écouteurs vissés dans les oreilles pour nous protéger du gamin braillard installé quelques sièges devant nous dans le train. Plus généralement pour nous couper des agressions extérieures. Oui mais voilà, depuis le début du confinement il est plus compliqué de se trouver dérangé par l’autre, puisque l’autre a disparu de notre champ d’action. Alors on a enlevé nos écouteurs et la musique s’est répandue.

 

En parallèle des informations anxiogènes sur le nombre de morts dans les différents pays et de la multiplication des courbes exponentielles, on a vu apparaître peu à peu sur les réseaux sociaux, et ce dès le début du confinement, des partages musicaux citoyens totalement improvisés. Je ne parlerai pas ici des initiatives musicales à grande échelle avec streaming gratuit de concerts et autres mais des petits bouts de vie partagés sur un balcon, vous savez ces moments qui se produisent de façon spontanée, juste comme ça, parce que c’était ici et maintenant, sans trop savoir pourquoi.

 

Une des première vidéo à circuler sur les réseaux se déroulait sur un balcon à Naples où un homme entonne la chanson populaire Vesuvio accompagné de son tambourin avant d’être rejoint par ses voisins.

Oui me direz-vous mais les Italiens sont italiens, donc ils chantent !!!

Faisons fi des clichés, j’ai même pour vous un quartier en Allemagne qui reprend Bella Ciao ! Alors on répond quoi là ?

 

Que ce soient des chants de résistance ou tout simplement des reprises musicales diverses et variées, la musique prend depuis le début de la crise sanitaire une dimension profondément humaine. Il n’est plus cas ici de distinction culturelle ou sociale, il n’y a plus ceux qui vont à l’opéra et ceux qui vont écouter des musiques urbaines ou populaires. La musique au balcon devient un vrai moyen de réconfort, d’apprécier à nouveau l’autre, une façon de ressentir à nouveau quelque chose, plus qu’un média culturel.

 

On ne décide pas, ni du choix, ni de la qualité de l’artiste. On écoute parce qu’on est là, un peu parce qu’on n’a pas le choix mais aussi surtout parce que ces quelques notes envoyées de balcons en balcons nous rappellent que l’ouïe est encore un des rares sens qui n’est pas interdit, on ne peut plus se toucher, se sentir, limite on détourne les yeux pour ne pas croiser ceux d’un potentiel porteur de virus.

 

Alors on écoute et on ressent, ce n’est pas toujours très bien joué, mais c’est émouvant parce que ce n’est pas calculé, que c’est imparfait, qu’on ne cherche pas le risque zéro, que finalement c’est la vie…