Au milieu d’une carrière dans le cinéma avec entre autres quelques “petits” rôles dans X-men : Le Commencement, Breaking Bad et plus récemment dans Finch, Caleb Landry Jones est musicien à ses heures perdues. C’est simple : lorsqu’il n’est pas devant la caméra, il compose !
Son rôle dans The Dead Don’t Die lui a permis de rencontrer ce cher Jim Jarmusch qui partage aussi une double casquette Musique-Cinéma, rencontre qui lui permettra une mise en relation avec le label Sacred Bones Records (David Lynch et John Carpenter sont des habitués, ça annonce la couleur !) et la machine est lancée…

 

En 2020, Mr Jones nous sort donc du four tout juste chaud son premier album “The Mother Stone” (et son premier morceau (presque) éponyme).  

Il ne renie pas son attrait pour le 7ème art, son premier album est très visuel, que ce soit par la musique un peu inquiétante de carnaval lugubre qui sert d’intro avec laquelle on imagine facilement ces “freaks” rentrer sur scène, puis qui s’accélère et devient une musique de spectacle dans laquelle on les imagine faire des tours, amuser le public…
Puis, sans transition la deuxième partie, plus pop-orchestrale, qui me fait penser à ce que pourrait faire The Divine Comedy sous substances psychotropes, où l’on imagine l’artiste en maitre de scène, suivi d’une outro particulièrement angoissante qui se termine sur des cordes frottées et aigües qui reflètent une certaine souffrance, tristesse…ici on pourrait imaginer les freaks maltraités dans leurs cages après le show… 

Une particularité de l’album, quelques moments orientés pop mais avec une voix qui va changer de ton dans une même piste ou des instruments qui partent en vrille, ce qui donne un vrai côté “schizophrénique” à la musique. Ajoutez à cela des pistes qui s’enchainent sans transition et toujours plus entêtantes, si bien que l’on se laisse volontairement emporter dans cette spirale hallucinatoire.
Album-trip labyrinthique, légèrement (p)oppressant et assez psychédélique, le genre d’album-cauchemar rempli d’inquiétantes étrangetés dont on se délecte étrangement les yeux fermés pour voir ou il va nous emmener… 

 

 

A peine le temps de digérer ce disque, à la fin de l’été 2021 sort un clip annonçant son prochain album “Gadzooks Vol.1” : 

Alors que le clip dans son ensemble laisse clairement supposer un retour dans le cauchemar du premier avec une sorte de déguisement croisé entre le Joker et le clown de Ça qui bave du sang, l’écoute surprend.
En effet, dès le premier morceau Never Wet et sa suite directe Yesterday Will Come me fait plus penser à ce que John Lennon aurait pu composer fin des années 60’. Et dans Bogie serait-ce carrément la voix de Jack White (période White Stripes) que j’entends en deuxième partie ?
Beaucoup plus coloré et pop que son prédécesseur (à l’image de sa pochette bleu électrique et rouge néon comparé au noir prédominant et blanc de la pochette précédente), les morceaux cachés dans le placard, vous guettent avide d’un grand appétit dans le regard sont là…
En plus de The Loon, Gloria semble être une transition (mentale ?) avec une sonorité alarmante et lancinante tandis que For A Short Time et A Slice Of Dream gardent un tempo lent, une mélodie contemplative et une ambiance pop baroque si particulière qu’il est impossible de savoir si l’on est dans un rêve ou dans un cauchemar.

Néanmoins, le véritable point culminant de cet album est This Won’t Come Back un dernier tour de piste de 20 minutes, condensant ce qu’a fait l’artiste jusqu’à maintenant : un début très pop-rock fin des années ‘60 (McCartney dans A Day In The Life ou Beatles période Magical Mystery Tour) accompagné d’un changement d’ambiance notable qui revient vers cette foire hantée avec un rythme qui ralentit comme si quelqu’un avait mis son doigt sur le vinyle qu’on est en train d’écouter… Pour continuer dans de l’art rock déstructuré rempli d’expérimentations électro mais pas que, pour se conclure dans la dernière minute en ce qui pourrait être un début de B.O de film… 

 

 

Caleb semble avoir trouvé son rythme de croisière à sortir un album par an pour notre plus grand bonheur, c’est ainsi que mi-novembre 2022 sort “Gadzooks Vol.2” accompagné d’un clip un peu plus tôt dans l’année : 

Alors que ce Touchdown Yolk marque un tournant déjà amorcé dans le Vol.1 vers le pop-rock teinté de baroque, l’imagerie du clip reste dans la veine de l’artiste. Ici, il continue de développer son univers visuel et musical avec un album qui fusionne un peu ses deux premiers (même les couleurs des pochettes sont fusionnés, noir et rouge néon !) tout en apportant et enlevant des idées…
En premier lieu, exit les morceaux qui s’enchaînent sans fin, ce qui dénote des deux premiers et rend l’album moins inquiétant. On a plus cette impression de folie continue mais plutôt de fragments présélectionnés de psychoses aussi diverses que variées. 

Le premier morceau de l’album, Croc Killers 2 se démarque par une ligne de basse groovy et piano entêtant (qui fait de nouveau penser à une sorte de fête foraine) et une voix qui force de plus en plus pour s’arrêter net (du moins dans la version album, le clip bénéficiant d’une minute de plus)

Le suivant Little Lion Blues utilise aussi le piano mais avec une instrumentation plus expérimentale, plus douce et posée, la voix de Landry Jones est spectrale comme s’il récitait une comptine d’outre-tombe… (la transition entre ce morceau et Touchdown Yolk plus haut est très réussie)
The Shanty Shine oscille entre le glam rock de The Man Who Sold The World de Bowie et l’univers garage psychédélique de Manipulator de Ty Segall avec une sorte de mantra occulte prononcé avant une fin loufoque pleine de montage/coupage sonore que ne renierai pas Frank Zappa.
Georgie Borge (The Termite) mêle avec brio une sorte de musique très cabaret avec un petit côté jazz-swing, toujours surplombé d’un côté Psychotro(pop) rock… 

 

Je pense que vous l’aurez compris, Caleb Landry Jones n’est pas du genre à rentrer dans une case, c’est plutôt le genre à prendre toutes les cases afin de tout détruire et de reconstruire une fresque psychédélique dans laquelle s’enchaînent plusieurs tableaux, tous relativement différents tout en gardant une certaine cohérence. 

Caleb a son propre univers qu’il espère bien vous faire découvrir au travers de ses albums.
Alors prenez place dans le manège et laissez-vous entrainer dans sa ronde…mais attention ! Vous risquez de ne pas en sortir indemne…