(Concert disponible au format vidéo via la Philharmonie à la demande inclut dans le service Ma BM : Brad Mehldau joue The Beatles – Détail (toulouse-metropole.fr)  Visionnez le concert gratuitement avec un abonnement au réseau des bibliothèques de Toulouse !) 

 

Qu’il reprenne Radiohead, Paul Simon, Nirvana, Hendrix ou plus récemment cette incroyable reprise du morceau Tom Sawyer de Rush le pianiste américain Brad Mehldau a toujours su s’approprier des compositions “pop” afin d’agrémenter ses albums jazz de morceaux qui font tendre l’oreille et lever le sourcil au plus réfractaires du genre leur laissant échapper non sans une certaine fierté : “Ah mais… je connais ça !”  

La plupart de ces reprises sont tout de même jouées à plusieurs mains comme cette version de Wonderwall d’Oasis ou d’ I Concentrate on You de Cole Porter. Des reprises solos, oui mais pas tant que ça (notons quand même cette version ahurissante de God Only Knows des Beach Boys, qui oscille entre ralentissement et accélération de tempo, chaos et harmonie…) 

 

 

Clarifions les choses : ce n’est clairement pas la première fois que le gaillard joue/enregistre les morceaux des quatre garçons dans le vent mais c’est le premier album consacré entièrement à cette entreprise qu’il nous offre. Tiré d’un enregistrement de concerts à la philharmonie de Paris donné en septembre 2020, seul au piano devant le public, dès que ses doigts appuient sur les premières touches on est comme enchanté… 

Le fait d’être seul va permettre à l’artiste de vraiment s’approprier les compositions et les harmonies afin de jouer avec ces dernières de différentes façons en ajoutant sa touche particulière. 

Les deux premières pistes interprétées sont “I Am The Walrus” et “Your Mother Should Know”.
Tandis que pour le premier une réelle touche mélancolique remplaçant l’énergie rock est ajoutée au morceau, qui transforme étonnamment ce dernier en substitut de début (ou fin) de bande son de comédie dramatique, le deuxième dévoile tout son potentiel d’opérette des années 20 avec un jeu au piano tel qu’on croirait entendre Paul chanter au fil des notes…

 

 

Mais c’est indubitablement à partir de la 3ème piste que l’album m’a convaincu. Mehldau s’approprie “I Saw Her Standing There” qui marque les débuts studios du groupe (Piste ouvrant à la fois leur album britannique ET américain !), donc une ambiance très rock’n’roll à la Chuck Berry. En résulte une reprise qui non seulement dévoile la richesse musicale que l’on peut tirer d’un morceau qui semble si simple aux premiers abords et qui sonne comme un véritable hommage à l’histoire du groupe mais démontre également la virtuosité du pianiste, son indépendance main droite/gauche donne parfois l’impression qu’un autre pianiste est avec lui…tout simplement époustouflant.
C’est qu’on se mettrait presque à danser le rock sur une piste jazz !

 

 

Que ce soit par les reprises courtes et plus fidèles (“For No One”, “She Said, She Said”, “If I Needed Someone”) ou par les libertés prises sur certains morceaux (“Baby’s In Black”, “Maxwell’s Silver Hammer”) les couleurs sont changées tout en restant fidèles aux compositions originales, l’écriture au piano apporte une légèreté qui sait être percutante quand il le faut. “Golden Slumbers” chanson adaptée d’une berceuse traditionnelle par Paul McCartney et faisant partie du fameux medley final d’Abbey Road s’étale ici sur 8mins (1min 30 à l’origine !) pleine de poésie, la mélodie n’est jamais altérée et toujours reconnaissable comme si la durée du morceau avait toujours été telle quelle. 

 

 

Puis comme une suite logique de cet enchainement, le voilà qu’il nous propose une interprétation du morceau “Life on Mars?” de David Bowie. La mélodie progresse crescendo, s’autorisant quelque moment de folie presque dissonant, on sent que ça appuie presque de manière percussive sur le clavier, avant de s’apaiser pour se relancer de plus belle dans la dernière partie.

 

 

Cet “Encore” est une déclaration d’amour à l’évolution des morceaux qui ont pu être composés à la base autour d’une composition au piano plus qu’à la guitare, principal instrument autour duquel on composait dans le rock dans ces années-là. En plus des Beatles, les groupes des Beach Boys et des Zombies à la fin des années 60 sont assez marqués par ce mouvement qui ouvrira la voie à Bowie, Queen et tant d’autres… 

 

Brad Mehldau devient, pour le temps d’un album, l’ami qui vous installe dans un fauteuil avant de s’installer au piano et qui vous joue des airs bien connus pour vous réconforter et vous faire rêvasser, peut-être même que certains de ces morceaux vous rappellent certains moments de votre vie (la première fois que vous avez entendu les Beatles ?).
Vous fermez les yeux installés dans votre fauteuil et vous vous laissez emporté par ces mélodies, peut-être même que cela fait germer des formes dans votre esprit ?  

Apercevez-vous ces 4 silhouettes au loin ? Mais quelles drôles de coiffures !