Catégorie: Temps fort

Lieu: Bibliothèque d’étude et du patrimoine

Du 2 au 4 octobre 2024 à la Bibliothèque d’Étude et du Patrimoine et à l’université Toulouse-Jean-Jaurès

La librairie Ombres blanches s’associe au colloque Biblioclasmes : créations / destructions, organisé du 2 au 4 octobre 2024 par l’université Toulouse-Jean-Jaurès et la Bibliothèque d’étude et du patrimoine.
Des rencontres et dédicaces d’auteurs (Alberto Manguel, Lucien X. Polastron, Fabien Clavel) accompagnent l’événement.

Le biblioclasme représente un véritable tabou dans nos sociétés dites « du livre ». On a pu le vérifier encore tout récemment à travers la polémique ayant accompagné, au printemps 2024, l’abandon de plusieurs tonnes de livres, jetés pêle-mêle dans des bennes suite à la faillite d’une librairie dans le Gard. Au-delà du coût économique et environnemental d’un tel procédé, ce sont bien les enjeux symboliques de la destruction des livres qui s’expriment. L’objet-livre, manifestation par excellence du savoir et de la culture lettrée, concentre de fait tout un système de représentations et surtout de valeurs qui se trouve brutalement mis en question par sa destruction. Des images d’autodafé, de livres meurtris, démembrés, déchirés, ou réduits en cendres, traversent et hantent la culture. Le biblioclasme, dans toute la diversité de ses degrés et de ses manifestations, se présente ainsi à la fois comme l’un des principaux ennemis du livre et comme l’une des modalités paradoxales de réaffirmation de son caractère sacré.

Et pourtant, selon Lucien X. Polastron, « l’attitude biblioclaste » (du grec biblion, « livre », et klastein, « détruire », « rompre »), qu’elle soit délibérée ou accidentelle, invisible ou spectaculaire, a toujours accompagné la création des livres.

Or, si ce phénomène a été beaucoup étudié sous un angle principalement idéologique ou politique (autodafés, censure), on s’est moins intéressé au geste biblioclaste en lui-même, qui est loin de constituer seulement un moyen mis au service d’une fin visant, à travers les livres, les idées qu’ils abritent et les êtres de chair qui les produisent et / ou les consultent.

L’histoire du livre a ainsi montré qu’à chaque innovation – concernant notamment les supports – des processus de destruction créatrice se mettaient en place : passage du rouleau au codex, du papyrus au parchemin puis au papier, entraînant des inventions dans la disposition des textes, lesquelles ont modifié à leur tour l’appréhension de ceux-ci, et ainsi de suite…

Plus subtilement, ce paradoxe de la destruction créatrice se déploie au cœur même de cette impossibilité à formuler et concevoir la « mort du livre ». Un tabou qui hante pourtant depuis toujours la littérature, mais aussi les arts visuels, avec une acuité toute particulière aujourd’hui alors que les mutations techniques de l’édition ont engagé le livre dans une « troisième révolution » médiologique suscitant la hantise de sa fin. Le roman moderne ne s’ouvre-t-il pas sur la destruction de la bibliothèque de Don Quichotte ? De Fahrenheit 451 au Nom de la rose, de la littérature de jeunesse (Virus LIV3 ou la mort des livres de Christian Grenier) au roman policier ou ésotérique (Le Club Dumas d’Arturo Pérez-Reverte), la représentation de la destruction de livres à travers la fiction entre massivement en résonance avec des questionnements d’une brûlante actualité et nous amène à interroger notre propre rapport au savoir, à la culture et plus particulièrement à la littérature.

Mieux encore, le livre d’artiste n’est-il pas en partie la rencontre des bibliophiles et des biblioclastes, comme l’annonçait un numéro de la revue L’Art vivant du galeriste Aimé Maeght en 1974 ? Bibliophilie / biblioclasme : s’agit-il de fait vraiment d’une stricte opposition ? Le respect des livres, voire la passion qu’ils peuvent susciter, sont supposés être au cœur de la lecture et de l’écriture. Mais le dépit suscité par l’impossible idéal d’une fusion parfaite entre contenu et contenant peut parfois donner lieu à un retournement destructeur contre l’objet-livre, qui devient le support de détournements et d’expérimentations humoristiques, esthétiques ou rageuses. La bibliophilie et le biblioclasme engagent ainsi la question même de la création et de la confrontation à ses supports matériels.

 

Ce sont toutes ces questions que le colloque Biblioclasmes : créations / destructions se propose d’aborder.

Il se déroulera à la Bibliothèque d’étude et du patrimoine et à l’université Toulouse-Jean-Jaurès du 2 au 4 octobre 2024, selon le programme accessible ici : https://biblioclasm.hypotheses.org/agenda-actualites.

Ses organisateurs ont souhaité que les sessions soient ouvertes à tous, afin de permettre au public de partager les recherches de spécialistes venus de plusieurs horizons disciplinaires (littérature, arts plastiques, bibliothéconomie, performances théâtrales).

Il donnera aussi lieu à plusieurs conférences-dédicaces avec des écrivains ou des essayistes.

Alberto Manguel, grand spécialiste de l’histoire du livre et de la lecture, et bibliophile, prononcera la conférence d’ouverture, intitulée Les armes et les lettres, encore, le mercredi 2 octobre à la Bibliothèque d’étude et du patrimoine (18h-19h, entrée libre).

Fabien Clavel, auteur de romans policiers et de science-fiction, et notamment du passionnant Feuillets de cuivre (1re éd., Actu SF 2015), poursuivra le 3 octobre sur le campus de l’université (18h-19h, entrée libre).

Lucien X. Polastron, auteur de nombreux essais sur les arts de l’écriture, le livre et les bibliothèques, et notamment de Ma poussière est l’or du temps. Autobiographie de La Bibliothèque, tout récemment paru aux éditions Les Belles Lettres, clôturera le colloque le vendredi 4 octobre à la Bibliothèque d’étude et du patrimoine (18h-19h, entrée libre) ; il participera aussi à une table ronde organisée par et à la librairie Ombres Blanches le samedi 5 octobre après-midi sur le thème des fous de livres, ou bibliophiles biblioclastes.

La librairie disposera aussi sur le site de ces manifestations une sélection de fictions biblioclastes.

Sélection stand “Biblioclasmes”

  • Alberto Manguel
    Une histoire de la lecture, Actes Sud, réédition de 2024
    La Bibliothèque, la nuit, 2006
    Je remballe ma bibliothèque, 2018
  • Fabien Clavel
    Les Feuillets de cuivre, ActuSF, 2015
  • Lucien X. Polastron
    Livres en feu. Histoire de la destruction sans fin des bibliothèques, Paris, Gallimard, 2009
    Ma poussière est l’or du temps. Autobiographie de La Bibliothèque, recueillie et mise en état par Lucien X. Polastron, usager, Belles-Lettres, 2024
  • Sélection de fictions biblioclastes
    Ray Bradbury, Fahrenheit 451
    Umberto Eco, Le Nom de la rose
    Bohumil Hrabal, Une si bruyante solitude
    Christian Grenier, Virus LIV 3 ou la mort des livres